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Retour sur une rencontre-dédicace avec Pierre-Emmanuel Roux



Au temps de la proscription .png


S’intéresser aux récits des missionnaires, étudier le catholicisme en Chine peut paraître désuet. Il n’en est pourtant rien lorsque les sources chinoises sont mises à contribution pour comprendre la manière dont cette présence étrangère était intégrée au système juridique.
Pierre-Emmanuel Roux analyse au travers de sa dernière publication Au tribunal du repentir : La proscription du catholicisme en Chine (1724-1860) comment la dynastie des Qing négocia le développement de la religion catholique sur son territoire, tout en étant influencée par les pays limitrophes - Corée, Japon, Vietnam.

Les premiers missionnaires – en premier lieu jésuites avant que d’autres congrégations ne les rejoignent – s’établirent sous l’empire des Ming (1368-1644). Comme les Ming avant eux, les empereurs mandchous de la dynastie des Qing (1644-1911) se servent alors des talents des missionnaires catholiques à la cour impériale. Cependant, dans le souci de mieux asseoir son pouvoir, l’empereur Yongzheng (r. 1723-1735) interdit le catholicisme dans une vague de nouvelles réformes au début de son règne.  Pourquoi donc, alors que cette présence étrangère est anecdotique dans ce vaste pays ? La querelle des rites [i] couplée au soutien catholique au candidat perdant à la succession impériale – plus précisément le frère de celui monté sur le trône -, expliquent grossièrement les raisons qui poussent l’empereur Yongzheng à proscrire le catholicisme à partir de 1724 à cette époque.

La religion catholique n’est au XVIIIe siècle pas la priorité première de l’empire. Au point que les fonctionnaires locaux, malgré la proscription, font pour la grande majorité comme s’ils ne remarquaient pas les missionnaires et les communautés dans leur secteur.  Les missionnaires toujours engagés à la cour impériale de Pékin ne sont en réalité pas beaucoup plus inquiétés. Ce n’est que plus tard, au début du XIXe siècle, que la proscription devient plus sévère, lorsque la classe dirigeante se rend compte que s’est développée tout une hiérarchie ecclésiale, avec notamment des Chinois han parmi les clercs.

Il y a certes quelques cas de répression dont la sévérité fait froid dans le dos. Mais ces martyrs font figure d’exception. La majorité des chrétiens persécutés pendant la proscription sont exilés aux confins de l’empire pour servitude temporaire ou à perpétuité. En ce qui concerne les missionnaires, ils sont le plus souvent ramenés dans les ports ouverts aux échanges économiques avec l’Europe comme Canton, Macao et Xiamen. Les peines dépendent de la sévérité du crime et de la volonté d’en faire un exemple : coups de bâton, servitude, exil , mise à mort selon différents modes. Sous l’empire des Qing, on vise à réduire au maximum le nombre de mises à mort et c’est l’une des raisons pour lesquelles on adopte une version chinoise de la pratique japonaise appelée ebumi. Cette pratique cherchait à démasquer les chrétiens des non-chrétiens, tout en permettant aux convertis de renier leur foi en piétinant des images sacrées. En Chine, on préféra demander d’enjamber un crucifix plutôt que de piétiner des représentations religieuses, mais le principe restait le même.

Après les guerres de l’opium [ii], il fallut du temps avant que la proscription ne soit levée, après d’âpres négociations avec la France. Néanmoins, le Code des Grands Qing ne prôna jamais clairement la liberté religieuse, laissant toujours planer une zone grise jusqu’à la chute de l’empire.

Nous tenons à remercier tout particulièrement Pierre-Emmanuel Roux pour la présentation de son livre et ses riches explications. Merci également aux CNRS Éditions, qui ont publié ce livre.

 



[i] La querelle des rites à la fin du XVIIe siècle oppose différentes visions catholiques sur la manière d’incorporer les rites des coutumes d’autres sociétés aux rites chrétiens. La vision orthodoxe, soutenue par le Vatican, sera la grande gagnante de cette querelle qui toucha la Chine, mais également le Japon, l’Inde, ou encore l’Amérique latine.

[ii] La première guerre de l’opium (1839-1842) oppose la Grande-Bretagne à la Chine. Cette dernière ne veut plus du commerce imposé par la Couronne britannique, qui pour combler un déficit dans la balance des paiements, vend en Chine des cargaisons d’opium produit en Inde. La seconde guerre de l’opium (1856-1860) est un prolongement de ce premier conflit, où la France et les États-Unis rejoignent le camp de la Grande-Bretagne. Les puissances étrangères remporteront les deux conflits, ce qui leur permettra d’imposer à la Chine des traités connus sous le nom des traités inégaux.



Bibliographie

Au tribunal du repentir : la proscription du catholicisme en Chine (1724-1860)
26,00 €
Disponible