La Chine est une civilisation qui a depuis les débuts de son histoire impériale hautement considéré les lettrés. Cet aspect de son ADN eut comme conséquence la valorisation de la connaissance littéraire, bien plus imprégnée qu’en Occident.  Si bien que, quand on commence à creuser, le foisonnement des références qu’on appelle « classiques » peut faire peur. Par où commencer ?

Le Robert offre plusieurs définitions de ce terme. Il peut désigner ce qui fait autorité, ce qui appartient à l’Antiquité gréco-romaine, ou encore ce qui ce rapporte aux grands auteurs du XVIIe siècle - qui eux-mêmes s’inspiraient fortement des Anciens. Cela nous aide à comprendre comment utiliser ce terme lorsqu’on évoque des textes chinois dits classiques, car on y retrouve plus ou moins la même polysémie.

Nous évoquerons ici deux catégories de classiques, qui à eux seuls vous offriront une base solide pour approcher la culture chinoise : les classiques confucéens - soit l’ensemble des textes constituant le canon de cette orthodoxie - et les grands classiques de la littérature chinoise. 

Concernant les classiques de la pensée chinoise (经, jīng), on ne peut les évoquer sans mentionner Confucius. Ceci pour la simple et bonne raison que le texte le plus connu de la tradition confucéenne, Les Entretiens, fait mention de la majorité de ces textes, leur offrant ainsi une légitimité incontestée. Ainsi, les lettrés chinois se devaient de les connaître sur le bout des doigts, en vue de passer les examens mandarinaux. Le nombre de textes qui figurent dans cette catégorie varie d’une époque à l’autre. Les plus anciens, datant des Zhou, se comptent au nombre de quatre : Le Classique des Documents (Shu jing), le Classique des Vers (Shi jing), Les Annales des Printemps et Automne (Chun qiu) – ou la Chronique de la principauté de Lou -, et le Classique des Mutations (Yi jing). Ces archives, respectivement de danses anciennes, de poèmes, d’événements de cours royales et enfin d’ordre divinatoire, témoignent d’une époque et constituent le socle d’une pensée et d’une culture chinoise.

Concernant les grands classiques de la littérature chinoise, nous voilà projetés dans une tout autre époque, bien plus proche de nous. Au XVIe siècle, le genre romanesque connait en Chine un succès sans précédent : les romans-fleuve, ces épopées aux multiples personnages, gagnent en notoriété dans la culture populaire. Feng Menglong (1574-1646), auteur très célèbre de l’époque, en répertorie quatre, qu’il nomme les Quatre livres extraordinaires, qu’on aurait considéré comme un clin d’œil éloquent et railleur aux quatre classiques confucéens précédemment évoqués. Au bord de l’eau de Shi Nai’an, Les Trois Royaumes de Luo Guanzhong, La Pérégrination vers l’Ouest de Wu Cheng’en et Jin Ping Mei furent sacrés chefs d’œuvres de la littérature chinoise. Le Rêve dans le pavillon rouge de Cao Xueqin a rejoint la liste par la suite. En Chine, ces histoires sont entrées dans la culture populaire, les produits dérivés contemporains ayant fait leur renommée. En français, le peu de traductions existantes ne rendent pas compte de l’importance que ces textes ont en version originale. Une illustration sans équivoque de la barrière culturelle et linguistique qui se joue même en ce qui concerne des mastodontes de la littérature classique étrangère.

Pour en savoir plus, rien de tel que le livre Histoire de la pensée chinoise d’Anne Cheng, ou encore Comment lire les classiques chinois de Benoît Vermander.